Millennials : pourquoi n’épargnent-ils pas pour leur retraite ?

Un ticket de concert ou un plan d’épargne retraite ? Face à ce dilemme, Julia, 32 ans, n’hésite pas une seconde : la fête, tant qu’elle met encore le feu. Derrière son choix, c’est tout un pan de la génération Y qui esquive la question de l’avenir, préférant croquer le présent plutôt que d’anticiper une retraite lointaine, presque floue, aux contours incertains.

Crise du logement, jobs jetables, inflation qui pousse chaque euro dans ses retranchements : les obstacles forment une file d’attente sans fin et bousculent l’ordre des priorités. Pourquoi remplir un bas de laine pour des vieux jours dont on n’imagine même pas la couleur, alors que tout semble glisser sous les pieds ? Les millennials tentent de garder l’équilibre, oscillant entre lucidité et envie de lâcher prise, coincés dans un grand écart financier inédit.

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Un rapport complexe à l’épargne chez les millennials

Pas de recette universelle chez les millennials : leur approche de l’épargne se nourrit de paradoxes. Une étude Natixis Investment Managers révèle que seuls 33 % des jeunes adultes français placent la retraite parmi leurs priorités. Ce chiffre creuse l’écart avec les générations d’avant, ces baby-boomers qui, au même âge, bâtissaient patiemment leur patrimoine.

Pourquoi ce décalage ? Les raisons ne manquent pas :

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  • Des revenus qui, souvent, ne laissent que des miettes à mettre de côté
  • Un logement difficile à décrocher, qui grignote toutes les marges de manœuvre
  • Une confiance érodée envers la solidité des systèmes de retraite et des produits classiques comme l’assurance-vie

Le rapport à l’investissement s’est transformé. Les millennials recherchent des placements souples, liquides, loin des contrats d’assurance vie à rallonge, si chers à la génération précédente. L’étude Natixis pointe aussi un attrait croissant pour des solutions alternatives, ainsi qu’un recul face aux banques traditionnelles, jugées dépassées.

Résultat : l’épargne mensuelle des jeunes Français reste sous la moyenne nationale. Autour de 150 euros, contre plus de 220 euros pour l’ensemble des épargnants. Un choix souvent subi, mais aussi un manifeste : pas question de sacrifier la vie aujourd’hui pour une promesse floue demain.

Quels freins réels à la préparation de la retraite ?

L’idée de mettre de côté pour la retraite se heurte à un terrain miné. Plusieurs freins structurels pèsent lourd dans la balance. L’inflation persistante, la remontée des taux d’intérêt : autant de coups portés au pouvoir d’achat. À l’époque où les baby-boomers entraient sur le marché du travail, la croissance et l’emploi offraient des certitudes. Aujourd’hui, c’est la valse des incertitudes.

Les jeunes sondés par Natixis Investment Managers dénoncent aussi la maigreur des pensions de retraite qui les attendent. Le système actuel inspire de moins en moins confiance, avec une dette publique qui enfle et une démographie en berne. Le spectre d’un modèle par répartition en bout de course nourrit la méfiance envers l’épargne longue durée.

  • Pour 52 %, leur pension future ne suffira pas à maintenir leur niveau de vie.
  • Près de 40 % estiment ne pas avoir les moyens de penser à la retraite.

La précarité du marché du travail, les CDD à répétition, les débuts de carrière laborieux rendent toute projection à long terme illusoire. L’épargne retraite se retrouve reléguée derrière des besoins immédiats : se loger, bouger, continuer à se former. De quoi entretenir une forme de distance, mais aussi une recherche de solutions qui collent mieux à des vies aux trajectoires sinueuses.

Entre incertitudes économiques et nouvelles priorités de vie

La génération Y ne se contente pas d’adapter son épargne, elle redéfinit sa vision du futur. L’instabilité professionnelle et un horizon économique bouché obligent à repenser ses rêves : moins de rente à vie, plus d’équilibre entre boulot et vie perso.

Les mini-retraites – ces pauses pour respirer, voyager, apprendre ou lancer un projet – deviennent de plus en plus séduisantes. Le nomadisme professionnel s’impose, porté par la digitalisation et la généralisation du télétravail. Résultat : méfiance envers les produits d’épargne classiques, perçus comme trop rigides, pas assez transparents sur les frais.

  • Près d’un millennial sur deux choisit des investissements responsables, en accord avec ses convictions, selon Natixis Investment Managers.
  • La demande de transparence sur la performance et les frais explose.

L’essor du freelancing, la désaffection pour la hiérarchie rigide – ce fameux « unbossing » – poussent les jeunes actifs à chercher des placements flexibles, accessibles, soucieux des enjeux sociétaux. Les parcours professionnels se fragmentent, et avec eux l’idée même d’une retraite linéaire. S’adapter devient la nouvelle sécurité.

Pour nombre de millennials, l’épargne n’est plus une ligne droite mais un sentier à bifurcations. La retraite s’imagine désormais en mosaïque, à la carte, au rythme des changements de vie.

jeunes adultes

Des pistes pour réconcilier la génération Y avec l’épargne retraite

La génération Y n’a pas tourné le dos à l’épargne retraite, mais elle exige des outils à la hauteur de ses attentes. Face à ces nouveaux profils, les acteurs financiers innovent, multipliant les offres où souplesse et transparence ne sont plus négociables.

Les contrats d’assurance vie gardent la cote, à condition d’apporter simplicité et impact. Les formules multisupports, enrichies de fonds labellisés ISR, Greenfin ou Finansol, proposent un équilibre entre rendement et valeurs. Les plans d’épargne retraite (PER) plus adaptables permettent de choisir entre sortie en capital ou en rente, selon les envies.

  • Les ETF et fonds indiciels séduisent par leur coût réduit et leur clarté.
  • Les fintechs et robo-advisors simplifient l’accès à des portefeuilles sur-mesure, taillés pour les natifs du numérique.

L’immobilier, via le crowdfunding ou les plateformes collaboratives, attire aussi ceux qui veulent investir dès quelques centaines d’euros. Des acteurs comme Fundrise ou Empower misent sur la pédagogie, la co-construction et l’investissement accessible.

Intégrer des critères extra-financiers, pouvoir suivre en direct la performance de ses placements, automatiser les versements : autant de leviers pour renouer le dialogue avec une génération qui attend que l’épargne retraite épouse ses rythmes, ses valeurs, ses zigzags.

Au fond, l’avenir se dessine moins comme une ligne droite que comme un puzzle mouvant. Et si la vraie révolution, c’était d’apprendre à épargner sans sacrifier l’instant, ni renoncer à l’inattendu ?